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TIMMS 2015
TIMSS 2015 : en maths, des résultats tragiques pour la France
Ce mardi est publiée la plus grande étude mondiale sur l'enseignement des mathématiques et des sciences dans le monde. La France fait pâle figure.
PAR LOUISE CUNEOModifié le 29/11/2016 à 12:28 - Publié le 29/11/2016 à 09:58 | Le Point.frDébut décembre, l'OCDE publiera son enquête trisannuelle Pisa qui, elle, se penchera sur l'aptitude des enfants de quinze ans à savoir utiliser leurs connaissances, dans une soixantaine de pays de l'OCDE et de partenaires. Une étude plutôt destinée à informer les décideurs nationaux et à les aider à orienter leurs politiques éducatives.
Vingt ans après sa création, 57 pays et 7 entités territoriales ont pris part à TIMSS 2015, soit quelque 600 000 élèves évalués. Cette année, la France a participé pour la première fois à l'enquête dans la catégorie « 4th grade », c'est-à-dire avec des élèves de CM1 (environ 10 ans), et pour la deuxième fois dans celle dédiée aux terminales S, dite « TIMSS Advanced ». Voici ses principaux enseignements.
TIMSS s’intéresse aux connaissances des élèves en maths et en sciences à un niveau scolaire donné, ainsi qu’aux programmes scolaires. ©FREDERICK FLORIN / AFP/ FREDERICK FLORIN
À une semaine d'intervalle vont être publiées deux études internationales de grande ampleur sur l'état de l'éducation dans le monde. Ce mardi, c'est l'enquête TIMSS qui concentre toute l'attention. Cette étude, menée par l'IEA (« International Association for the Evaluation of Educational Achievement », Association internationale pour l'évaluation des performances scolaires) et conduite tous les quatre ans depuis 1995, évalue les performances des élèves en mathématiques et en sciences. TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) s'intéresse aux connaissances des élèves en maths et en sciences à un niveau scolaire donné, ainsi qu'aux programmes scolaires : l'objectif premier de l'enquête est de contribuer aux recherches sur l'enseignement des maths et des sciences, en renseignant les professeurs sur les pédagogies qui fonctionnent.
AU NIVEAU MONDIAL
- L'Asie de l'Est, loin devant. Singapour, Hong Kong, la Corée, Taipei et le Japon continuent d'écraser les autres pays participants en mathématiques, comme c'est le cas depuis vingt ans. L'écart avec les autres pays performants est énorme, et s'accroît avec l'âge : en 4e, l'écart entre les cinq premiers pays et les suivants est encore plus important qu'en CM1. En sciences, les pays d'Asie de l'Est dominent toujours le classement, accompagnés de la Russie, mais de manière moins radicale.
- Le primaire, plus performant. De manière générale, l'étude montre que l'éducation en matière de mathématiques et de sciences progresse dans le monde dans l'enseignement primaire. Nombreux sont les pays qui ont non seulement amélioré leurs résultats, mais aussi réduit l'écart entre les bons et les mauvais élèves. L'étude montre également qu'une scolarisation précoce a des effets durables sur les résultats, au moins jusqu'en CM1.
- Le secondaire, moins bon. En revanche, le constat est bien moins positif en fin de cursus secondaire : les neuf pays ayant participé en 1995 et en 2015 à l'évaluation des terminales S ont tous baissé de niveau en vingt ans. Seul point positif : la différence de niveau entre filles et garçons s'est considérablement réduite, mais elle persiste en matière d'effectifs : les garçons sont toujours plus nombreux à s'orienter vers des études scientifiques.
FRANCE : les résultats de la cuvée 2015
Près de 45 % des élèves français sont dans le groupe le plus faible des pays européens, alors que seuls 11 % font partie de celui des meilleurs. L'école française est donc certes inégalitaire, mais ne se distingue pas pour autant par le niveau de son élite.
- Le constat est sans appel : en mathématiques, la France obtient de moins bons résultats que la majeure partie des pays participants : avec 488 points, elle est moins performante que la moyenne de référence TIMSS fixée à 500 points, et très loin derrière le numéro un, Singapour, qui obtient 618 points. Elle a également abandonné le clan des pays occidentaux dont la moyenne s'établit à 525 points, pour rejoindre le Qatar ou encore la Turquie.
- En sciences, même topo : la France est en dessous de la moyenne attendue, avec 487 points, alors que Singapour domine une fois encore le palmarès avec 590 points. Seul point positif : il n'y a pas de différence notable de résultats entre les garçons et les filles à ce stade.
FRANCE : l'évolution du niveau en terminale S en vingt ans
La France fait partie des neuf pays (France, Italie, Liban, Norvège, Portugal, Russie, Slovénie, Suède et États-Unis) à avoir participé à l'étude "TIMSS Advanced 2015", qui évalue les performances des élèves de terminale S. Là encore, le constat est décevant. Sur les six pays qui avaient déjà collecté des données en 1995, la France est, avec l'Italie et la Suède, l'un de ceux dont les performances ont baissé en vingt ans.
- Plus d'élèves scientifiques en moyenne, mais leurs résultats sont plutôt moyens
En France, 22 % des élèves de la classe d'âge se sont spécialisés en mathématiques, pour un résultat très moyen. Devant nous, la Russie et le Liban ont un niveau bien meilleur, mais en revanche, beaucoup moins d'élèves sont emmenés à ce stade. En somme, la France ne brille pas par le niveau de ses terminales S, mais elle forme en revanche beaucoup plus d'élèves scientifiques que les pays qui excellent en la matière.
- Un niveau en chute libre
Mais ce qui est effarant, c'est l'incroyable baisse de niveau en vingt ans. En 1995, la France était la plus brillante des six pays dont les données sont disponibles en 1995 et 2015. Elle était même devant la Russie, avec 561 points ; en 2015, elle s'est effondrée à 449 points, enregistrant la plus grosse baisse des six pays.
- Seul point positif : les statistiques de genre
En vingt ans, l'écart entre les filles et les garçons scientifiques s'est nettement amoindri. En 1995, 37 % des lycéens de terminale S étaient des filles (contre 63 % de garçons) ; en 2015, les filles représentent 47 % des effectifs. En revanche, les garçons réussissent toujours mieux dans cette filière que les filles, comme c'est le cas aussi pour la Russie, la Norvège, la Suède, la Slovénie et les États-Unis.
Brighelli - Pourquoi la France est devenue nulle en maths
L'enquête TIMSS, où le pays excellait en 1995, a révélé une chute vertigineuse. Retour sur un désastre avec l'enseignant de mathématiques Michel Segal.
PAR JEAN-PAUL BRIGHELLIModifié le 07/12/2016 à 15:22 - Publié le 07/12/2016 à 06:54 | Le Point.frSelon le professeur de mathématiques Michel Segal, pour favoriser un enseignement égalitaire, on a sciemment organisé la baisse du niveau. Un mauvais service aux élèves les plus défavorisés. © PATRICK VALASSERIS / AFP
TIMSS est l'acronyme de « Trends in mathematics and science study » (étude sur les tendances en mathématiques et en science). Il analyse la performance du système scolaire de pays du monde entier, tous les quatre ans, depuis vingt ans. Comme l'a analysé Louise Cuneo ici-même, les tests ont repéré de sérieuses difficultés chez les CM1, et constaté la régression des terminales scientifiques : en fait de voie royale, la série S est un fourre-tout où nécessairement, on descend le niveau pour satisfaire tout le monde — à commencer par les parents.
Les 4 870 élèves testés au sein de l'échantillon français ont obtenu le score moyen de 488 points pour les maths et 487 points pour les sciences. Soit un résultat inférieur aux moyennes internationale (500) et européenne (525). « Les résultats sont mauvais ; les élèves français sont en grand nombre peu performants », reconnaît-on au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem. Et pour cause : même les scores des écoliers français les plus doués figurent bas dans le classement.
Tous les indicateurs étaient au rouge depuis longtemps
En 1995, alors que la loi Jospin commençait à peine à s'appliquer, nous étions largement en tête — avec 561 points. La France ne s'est pas reposée sur ses lauriers : elle a sciemment descendu le niveau, en basculant dans l'idéologie des « compétences » au lieu de mettre le paquet sur les « connaissances » — et c'est vrai dans tous les domaines scolaires. En faisant de la section S le dépotoir de tous ceux qui ne veulent surtout pas aller ailleurs — alors même qu'ils n'ont pas de qualifications particulières pour étudier les sciences. Tous matheux ? Allons donc !
Ah, mais nous avons réduit l'écart statistique du « genre » — plus de filles font des maths. Ce n'est pas la raison ni le symptôme de la baisse de niveau : tout tient à la dégradation des enseignements.
La Société française de physique a sonné l'alarme en 2012 : « Mener une démonstration développée en plusieurs étapes, maîtriser les outils de base de mathématiques, et s'astreindre à la rigueur pour construire un raisonnement sont des objectifs éliminés de la formation donnée aux bacheliers de la série S. Éloignée de ces valeurs, une séquence de champs scientifiques, sans lien, sans objectif de progression, est proposée, limitée aux vertus culturelles, certes importantes, mais totalement inadaptées à la constitution d'un corpus de pratiques scientifiques. Une réduction des horaires, diverse dans le détail, mais globalement d'une heure en première et terminale, à la fois pour les mathématiques et la physique-chimie, associée à une évolution conséquente du programme de mathématiques, mine les bases de la formation scientifique au lycée, si nécessaire à l'économie française pour reconquérir un socle industriel actuellement très affaibli. »
Il n'y a pas de miracle : quand pour des raisons comptables on supprime des heures et des postes d'enseignant, on récolte les fruits pourris de cette politique de gribouille.
L'exemple de l'Asie
J'ai demandé à Michel Segal, professeur de mathématiques français qui enseigne désormais à Hong Kong, les raisons pratiques de cet effondrement. Il est non seulement enseignant, mais il porte depuis des années un regard lucide sur les errements du système français, publiant plusieurs livres — Autopsie de l'école républicaine (Autres Temps, 2008), Violences scolaires (Autres Temps, 2010), Collège unique - l'intelligence humiliée (FX de Guibert, 2011) — pour dénoncer l'effondrement. Autant de coups d'épée dans l'eau : il n'est pire sourd qu'un ministre de l'Éducation qui ne veut pas entendre. Il a déjà eu l'occasion de s'expliquer sur les « leçons de l'Asie » — Je l'ai interrogé sur les résultats de TIMSS. Verdict.
Jean-Paul Brighelli : Les résultats de l'enquête internationale TIMSS (1) font apparaître trois conclusions : les très mauvais scores des élèves français en mathématiques, la régression de la France dans les classements, et les premières places toujours occupées par les quatre dragons asiatiques — Hong Kong, Singapour, Taiwan et la Corée du Sud. La contre-performance de la France est-elle une surprise ?
Michel Segal : Ça dépend pour qui, mais certainement pas pour n'importe quel professeur de mathématiques en activité depuis deux ou trois décennies. Cela fait des années que nous assistons en continu à des allégements de programmes et au renoncement à l'exigence. Prenons l'exemple des vecteurs : quand j'ai commencé à enseigner il y a un peu plus de 15 ans, on les enseignait en quatrième, puis ils sont passés au programme de troisième, puis finalement à celui de seconde. Cette année, la réforme du collège a fait passer les horaires de mathématiques en 3e à 3 h 30 hebdomadaires, derrière l'EPS à 4 heures. Je prends le pari que le programme de seconde s'adaptera à la diminution horaire du collège par un nouveau glissement des vecteurs jusqu'en première. Il s'agit bien d'une baisse de niveau programmée.
Vous sous-entendez que la baisse de niveau est volontaire et calculée ? Mais pourquoi le serait-elle ?
Il y a d'abord l'objectif des 80 % de réussite au baccalauréat, mais ce n'est pas la seule raison, et certainement pas la plus grave. Dans les hautes sphères du ministère, dès qu'il s'agit de mathématiques, on ne perçoit plus les élèves que comme une espèce de magma présentant un énorme potentiel de difficultés variées. Ce sentiment est né dans les années 1970 avec l'avènement du collège unique, époque à laquelle est apparu le mouvement des pédagogistes qui trouvaient enfin dans la réforme Haby leur « segment de marché ». Ils avaient lu Bourdieu de travers et ont soudain occupé le terrain en imposant l'idée que les pauvres avaient plus de difficultés que les autres et que, pour les aider, il ne fallait pas trop leur en demander et surtout ne plus traiter d'abstraction : il fallait « donner du sens » aux mathématiques, comme si elles n'en avaient pas eu jusque-là. Cela participait d'un immense mépris pour ceux-là mêmes qu'ils prétendaient aider.
En résumé on a commencé à baisser le niveau et surtout à vider les mathématiques de leur magie et de leur attrait. Il faudra attendre les années 2000 pour que l'imposture de ce mouvement soit enfin dénoncée, puis enfin reconnue par quelques dirigeants politiques. Les dernières déclarations du candidat Fillon sont à ce titre encourageantes puisqu'il attribue l'échec de l'école à « une caste de pédagogues prétentieux »… Mais malgré tout, les thèses pédagogistes sont toujours en vigueur, et leurs principes toujours appliqués.
LIRE aussi Ce que François Fillon veut pour l'école
Pourquoi penser qu'un programme tenant compte des élèves en difficulté serait nuisible au niveau moyen ? N'y a-t-il pas là une contradiction dans le raisonnement ?
Plus l'éducation est approfondie, plus elle révèle et creuse les différences entre les élèves. Donc si vous laissez les enfants sans éducation, ils seront bien moins différents les uns des autres que si vous leur donnez la possibilité de suivre des études difficiles. Autrement dit, la façon la plus facile de réduire les écarts, c'est encore de donner moins d'éducation. Ce n'est certes pas pensé sous cette forme par ceux qui décident des programmes et de leur mise en œuvre car il n'y a aucune mauvaise intention, sinon la volonté de réduire les coûts en économisant sur les heures, mais c'est le résultat auquel ils parviennent.
En mathématiques, cette évolution est flagrante. À mes débuts en 2000 les consignes de l'inspection étaient de bannir les calculs un peu compliqués afin de ne pas privilégier les élèves qui avaient des facilités. Dix ans plus tard, des élèves de lycée ne connaissaient pas leurs tables de multiplication et on créait des modules de remise à niveau à l'université pour enseigner l'addition de fractions. Ce que l'on a cru économiser d'un côté se paie, et au centuple, à l'autre bout de la chaîne — c'est simplement moins voyant.
Cette obsession de la simplification s'est principalement traduite dans les faits par une quasi-disparition de l'abstraction et l'obligation d'activités annexes — ainsi la pseudo-programmation-pré-mâchée-sur-ordinateur désormais inscrite au programme du collège. Cette approche misérabiliste des mathématiques en a tué le cœur et la raison : les élèves n'aiment plus ça et ils sont devenus faibles. D'une certaine façon, c'est l'école elle-même qui a suscité les difficultés des élèves et leur désaffection pour la discipline afin de justifier sa propre position. La réponse la plus probable du ministère aux résultats de TIMSS sera la même que précédemment : puisque le remède donne de mauvais résultats, il faut en augmenter les doses. Et donc encore baisser le niveau.
En quoi une baisse de niveau en mathématiques est-elle un problème ?
L'effet le plus inquiétant touche au recrutement des professeurs. Je ne sais pas si nos dirigeants mesurent bien la gravité d'une situation dans laquelle on ne pourra plus enseigner les mathématiques, sauf à faire venir en masse des enseignants indiens, russes ou chinois. La seconde conséquence, ce sont les difficultés de formation de bons ingénieurs français puisque l'on voit chaque année dans les prépas scientifiques des élèves de plus en plus faibles. Enfin, il s'ensuit une démultiplication des inégalités sociales puisque ce n'est que dans les CSP élevées que l'on a conscience de ces problèmes et que l'on parvient plus ou moins à les circonscrire. Ceux qui souffrent le plus de la baisse de niveau, ce sont les pauvres, c'est-à-dire justement ceux qu'elle était supposée aider.
Vous vivez à Hong Kong, l'un de ces fameux quatre dragons qui caracolent en tête des classements internationaux. Quelle explication peut-on en donner ?
À Hong Kong, ils appliquent exactement les principes interdits en France : par exemple la sélection, le travail à la maison, l'apprentissage par cœur, la virtuosité des calculs, l'homogénéité des classes, les redoublements, la non-mixité dans certaines écoles, la grande diversité des établissements, un programme approfondi, etc. Le résultat n'est pas seulement brillant sur un plan académique, il est aussi excellent pour la réduction des inégalités sociales en donnant des résultats plus homogènes qu'en France.
Il est de bon ton d'affirmer que les élèves y sont beaucoup plus malheureux qu'ailleurs en raison de la pression excessive, et de ponctuer le discours par quelque fait divers dramatique plus ou moins bidonné. C'est faux et je témoigne que les petits Hongkongais sont plus épanouis que leurs congénères français, et que, de plus, il règne dans leurs écoles un climat de paix et de bien-être que je n'ai constaté nulle part en France. Ceux qui répètent ces accusations n'ont vraisemblablement jamais franchi le périphérique ; ils découvriraient le malheur et le désespoir de nombreux enfants et de leurs familles devant les drames des écoles sans professeurs, ou bien dans lesquelles règne une violence traumatisante, ou encore dans lesquelles on n'a plus le sentiment d'apprendre grand-chose. Pour sauver l'école, on ne pourra pas faire l'économie de la lucidité. On attend celle des dirigeants.
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L’inquiétant niveau des élèves français en maths et sciences
LE MONDE | 29.11.2016 à 10h17 • Mis à jour le 29.11.2016 à 11h25
Par Mattea Battaglia et Aurélie Collas
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Monde.fr dès 1 €Des élèves de l’école Jules-Ferry de Fontenay-sous-Bois, près de Paris, le 1er septembre 2015. | CHARLES PLATIAU / REUTERS
Une chute vertigineuse des résultats des élèves de terminale S et des scores mauvais en CM1. Alors que droite et gauche ferraillent sur l’école à l’approche de l’élection présidentielle, l’enquête internationale Timss (Trends in International Mathematics and Science Study) sur les mathématiques et les sciences, rendue publique mardi 29 novembre, apportera des arguments aux candidats. Face à son constat radical, on peut d’ores et déjà s’attendre à ce que, de part et d’autre de l’échiquier politique, on désigne des coupables et trouve de quoi légitimer – ou décrédibiliser – les programmes sur l’école qui se dessinent.
L’enquête porte sur deux niveaux de la scolarité : les enfants en quatrième année d’école élémentaire (en France, le CM1) et les lycéens de terminale scientifique. C’est une association internationale de chercheurs, l’IEA, fondée dans les années 1950, qui a la main sur l’organisation des tests menés dans une cinquantaine de pays au primaire et neuf seulement au lycée. Dans cette enquête, à laquelle la France n’avait jamais collaboré pour le niveau CM1 – et une fois seulement, en 1995, pour la terminale S –, c’est ce que savent et savent faire les élèves, sur la base des programmes scolaires (ou en tout cas de leur plus petit dénominateur commun à l’échelle de la planète), qui est mis en lumière. Et en France, à l’index.
- En CM1, un niveau « significativement » bas
Les 4 870 élèves de l’échantillon français ont obtenu un score moyen de 488 points en mathématiques et de 487 points en sciences. C’est en deçà de la moyenne internationale (500) et européenne (525). En mathématiques, le quintette gagnant des pays ou économies asiatiques (Singapour, Hongkong, Corée, Taipei et Japon) devance la France de plus de 100 points, tandis que des pays voisins, avec lesquels notre école peut davantage se comparer (Allemagne, Suède, Pologne, Portugal, etc.), affichent des scores de 30 à 70 points supérieurs. Au ministère de l’éducation nationale, on fait profil bas. « Les résultats sont mauvais ; les élèves français sont en grand nombre peu performants, reconnaît-on au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem. Par rapport aux pays de l’Union européenne, la France est relativement en retard. »
Près de 45 % des élèves français sont dans le groupe le plus faible (dernier quartile) des pays européens, alors que seuls 11 % font partie de celui des meilleurs. On pensait notre école certes inégalitaire, mais capable au moins de produire une élite ; Timss tend à montrer que les scores de toutes les catégories d’écoliers, même les plus forts, ne s’éloignent pas du bas du classement.
Donnez-leur une suite chiffrée, « 6, 13, 20, 27… » ; demandez-leur de la poursuivre, ils sont seulement 59 % à avoir su répondre « 34 ». Ils sèchent encore plus sur les fractions : 15 % sont capables d’identifier, parmi quatre camemberts découpés en parts, celui correspondant à la fraction « 3/8 ». En sciences, 53 % parviennent à identifier, sur des images, un canard et une grenouille comme ovipares et non comme mammifères.
| infographie : Le Monde
- En terminale S, la dégringolade
Contrairement à ceux de CM1, les résultats des lycéens de terminale S peuvent être appréhendés sur le long terme. Comparés aux scores de 1995, ils ont chuté de près de 100 points – passant de 569 à 463 en maths, de 469 à 373 en physique. Timss identifie trois niveaux scolaires : « avancé », « élevé » et « intermédiaire ». Les élèves français ne sont, en 2015, que 1 % à atteindre le seuil « avancé » en maths. Il y a vingt ans, ils étaient 15 %. Ils sont aujourd’hui 11 % à avoir un niveau « élevé », contre 64 % en 1995.
A cette étape de la scolarité, les comparaisons internationales sont périlleuses. D’abord, parce que seuls neuf pays ont participé à Timss terminale S. Ensuite, parce que cette classe n’a pas le même statut selon les pays : en Russie ou au Liban – en haut du classement en maths –, elle est très sélective, réservée à une élite scientifique, alors que notre terminale S est, elle, ouverte aux bons élèves, quels que soient leur profil et leur souhait d’orientation. Depuis 1995, l’accès à la voie royale s’est même élargi, souligne-t-on au ministère, ce qui, pour lui, explique en partie cette tendance à la baisse. A refaire les calculs en ne tenant compte que des scores des « vrais matheux » (ceux de terminale S spécialité mathématiques) ou des lycéens visant une classe prépa, la France se situerait dans le peloton de tête.
Une troisième limite tient au fait que les questions posées ne recouvrent pas partout de la même manière les programmes. En France, « elles ne couvrent que 60 % du programme de maths », fait valoir la Rue de Grenelle, où l’on tient à souligner que « le test de 1995 était plus en phase ». Entre les deux dates, les programmes français ont évolué. Ils ont intégré une bonne part de probabilités, de statistiques, d’algorithmes… que Timss n’évalue pas. Surtout, ils sont moins exigeants en termes de connaissances qu’il y a vingt ans, précisément pour s’ouvrir à un plus grand nombre d’élèves, disent certains spécialistes.
Lire aussi : « Les élèves ne savent pas ce que sont les mathématiques »
- La France, championne des heures de maths
Faut-il, comme l’affirmaient plusieurs candidats à la primaire de la droite, dont le vainqueur, François Fillon, renforcer l’enseignement des mathématiques au primaire ? Lui consacrer plus d’heures ? Timss montre que tout n’est pas question d’horaires. Les petits Français ont, selon l’étude, 193 heures de maths durant leur année de CM1. C’est beaucoup plus qu’en Suède, en Finlande ou en Pologne, qui ont pourtant de meilleurs résultats. En terminale S, à l’exception du Liban, la France détient en la matière un record, avec 222 heures à l’année consacrées aux maths.
Lire aussi : Education : des comparaisons à double tranchant
Au ministère de l’éducation, on invoque plutôt la formation et le profil des professeurs des écoles, des maîtres « polyvalents » dont la grande majorité a suivi des études en lettres ou en sciences humaines. Ils sont plus souvent mal à l’aise que leurs pairs européens (61 % contre 79 %) dès lors qu’il s’agit d’améliorer la compréhension en mathématiques des élèves en difficulté. Il en est de même lorsqu’il s’agit de donner du sens à cette discipline, selon une note exploitant les données Timss que devait dévoiler le ministère mardi.
- Une forte ségrégation sociale à l’école
C’est la première fois qu’une étude donne une photographie – même approximative – de la ségrégation sociale à l’école primaire, cette absence de mixité souvent mesurée au collège et au lycée. En France, l’entre-soi se vérifie dès le CM1 : à ce niveau de la scolarité, 32 % des enfants fréquentent des écoles considérées comme « défavorisées » (c’est-à-dire, selon Timss, où plus d’un quart de l’effectif est défavorisé et moins d’un quart favorisé). Leur score : 459 points ; soit près de 30 points de moins que la moyenne.
Certes, notre école n’est pas la seule à être soumise à la ségrégation : l’Allemagne, l’Angleterre, les Etats-Unis ou encore le Portugal sont autant concernés, voire plus. Là où le bât blesse, c’est que eux parviennent davantage à faire réussir les élèves de ces écoles défavorisées, qui affichent tous un score supérieur à 500 – et parfois même supérieur aux résultats de nos élèves dits privilégiés.
| infographie : Le Monde
Par Mattea Battaglia et Aurélie Collas
TIMSS : il est temps d'agir pour redresser le niveau en maths !
Chers professeurs, chers parents,
Les résultats de l’enquête TIMSS, parus aujourd’hui, placent Singapour 1er du monde en mathématiques, et la France en 35e position seulement sur 57 pays, avec une note significativement au-dessous de la moyenne. Je me permets de vous écrire, car je pense qu’il est urgent de s’intéresser aux vraies raisons du succès de Singapour en mathématiques et en sciences.
Cela fait maintenant 10 ans que La Librairie des Écoles édite la méthode de mathématiques de Singapour en France, et j’ai eu l’occasion de réfléchir à la question de manière approfondie.
Les résultats de PISA et de TIMSS ne sont pas une fatalité, et l’efficacité de l’enseignement scientifique est avant tout une question de méthode.
La méthode de Singapour repose sur quelques principes simples :
1) La résolution de problèmes doit être au cœur de l’enseignement des mathématiques ;
2) Il vaut mieux traiter moins de sujets, mais les traiter en profondeur ;
3) L’abstraction mathématique doit être enseignée de manière progressive et explicite ;
4) Pour bien enseigner les mathématiques, il faut être bon en mathématiques, et donc faire des mathématiques !
Quand on aborde la question des bons résultats de Singapour aux tests internationaux, on est confronté aux préjugés suivants :
- les asiatiques sont bons en maths de manière générale ;
- les élèves singapouriens sont dociles et manquent de créativité ;
- les tests internationaux ne sont pas fiables ;
- on ne peut pas « importer » en France une méthode venue de l’étranger.
Ce n’est pas la vérité
La méthode de Singapour est présente aujourd’hui dans plus de 60 pays, dont le Royaume-Uni qui vient de décider que la moitié de ses écoles utiliserait les méthodes asiatiques en mathématiques. Son application porte ses fruits partout à condition qu’elle soit accompagnée d’une formation pour les maîtres.
Des tests – et pas seulement des tests PISA ou TIMSS – ont été conduits là où la méthode de Singapour a été mise en place. Invariablement, les résultats montrent que le niveau de tous les élèves augmente, y compris ceux qui ont des difficultés.
Prenons l’exemple de cette étude faite en 2009 aux Etats-Unis dans cinq écoles du New Jersey [1], qui a montré des résultats remarquables. 124 élèves de CM1 ont utilisé la méthode de Singapour, contre 533 qui ont continué avec leur méthode habituelle.
Les élèves sélectionnés avaient un niveau homogène en mathématique, c’est-à-dire qu’il y avait le même pourcentage d’élèves bons en maths, d’élèves moyens, et d’élèves en difficulté. Seulement un an plus tard, dans les classes qui utilisaient la méthode, le nombre d’élèves bons en maths avait grimpé de 32% à 54%. Dans le même temps, le nombre d’élèves moyens était passé de 48% à 39% et le nombre d’élèves en difficulté de 18% à 6% !
En un mot : la méthode avait profité à tout le monde, même aux élèves en difficulté.
C’est d’autant plus remarquable que les cinq professeurs qui avaient conduit le test n’avaient pas été initialement formés à la méthode. Dans les pays où les professeurs sont formés, les résultats sont encore plus parlants, raison pour laquelle de plus en plus de pays l’adoptent.
Parallèlement, les classes témoins – celles qui n’utilisaient pas la méthode – n’avaient pas connu d’évolution significative.
La faute à PISA ?
La mode est aujourd’hui de critiquer les tests PISA ou TIMSS. Il est en effet toujours plus simple de remettre en cause ces outils... Encore ce matin en me pesant, je n’ai pas remis en cause mon régime, mais ma balance !
Mais les tests TIMMS et PISA sont loin d’être des indicateurs hasardeux : ils ne se contentent pas de mesurer des connaissances apprises par cœur ou des procédures standardisées, mais prennent en compte le raisonnement mathématique et la résolution de problèmes. Comment tricher alors ?
Si vous ne me croyez pas (et si vous parlez anglais), allez voir la vidéo du directeur général de PISA, le Dr. Andreas Schleicher :
https://www.youtube.com/watch?v=QxEV9cN2tcs
Ou lisez les protocoles de l’étude TIMMS :
http://timssandpirls.bc.edu/timss2015/frameworks.html
Maintenant, il est temps d’agir
Aujourd’hui, la méthode de Singapour que nous éditons est utilisée dans environ 2 000 écoles françaises. Pour accompagner les enseignants, nous proposons des formations aux écoles ou aux circonscriptions qui le souhaitent.
De plus, à l’occasion des nouveaux programmes, nous avons publié une édition entièrement adaptée par une équipe de professeurs français.
http://www.lalibrairiedesecoles.com/produit/maths-fichier-de-leleve-a-cp-nouvelle-edition/
Nous souhaitons enfin créer un renouveau de l’enseignement des mathématiques en France, en encourageant les professeurs à utiliser cette méthode qui a fait ses preuves partout dans le monde, à nouer des accords d’échange avec Singapour, en incitant des universités à venir mesurer l’impact réel de la méthode sur les élèves.
N’hésitez pas à faire appel à nous pour en savoir plus sur cette méthode qui ne tient ni du miracle, ni d’une révolution mais qui propose simplement un bon équilibre entre les pratiques pédagogiques qui fonctionnent et qui font aimer les mathématiques.
Bien à vous,
Jean Nemo
Directeur général
PS : Si vous souhaitez participer à des accords d’échange, participer à un programme de formation ou seulement témoigner, n’hésitez pas à me contacter directement à mon adresse mail : jean.nemo@lalibrairiedesecoles.com[1] New Jersey Assessment of Skills and Knowledge (NJ ASK), Spring 2009 and 2010, conducted by Educational Research Institute of America.Vous recevez cet email car vous êtes ou avez été en contact avec La Librairie des Ecoles. Conformément aux dispositions de la loi Informatique et Libertés, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant en contactant La Librairie des Ecoles.
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