• Maths dans la presse


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  • L'innumérisme est un mal qui coûte cher : sept Français sur dix sont incapables d'effectuer les calculs de base, pourtant indispensables dans 70 % des métiers. 

     Le Point.fr- Publié le 17/03/2014 par Louise CUNEO

       Lorsque Vanessa, une prof d'histoire parisienne, se rend dans une boutique pendant les soldes, c'est toujours une source d'angoisse. Non pas parce que la trentenaire redoute de rater une bonne affaire, mais parce que la simple évocation du mot "pourcentage" la fait frémir. Comme 70 % des Français, Vanessa est innumérée, c'est-à-dire qu'elle ne maîtrise pas les notions permettant les calculs de base. Un mal dont, toute lettrée qu'elle est, elle n'a jamais entendu parler, même si elle sait bien depuis ses années d'études que quelque chose cloche, qu'un pan de compréhension des maths lui échappe. 
       De fait, Vanessa n'est pas seule. Les derniers résultats de l'étude Pisa, une évaluation qui compare tous les trois ans les compétences des élèves de 15 ans dans une soixantaine de pays, ne sont pas très flatteurs pour l'ego national. La dernière livraison de cette évaluation rendue publique en décembre a montré que non seulement les élèves français sont particulièrement mal classés et font figure de cancres, mais que, en plus, cela ne s'arrange pas : depuis 2010, les résultats des jeunes Français en "culture mathématique" se sont encore un peu plus effondrés.

    Le modèle chinois

       Premiers responsables de cette débâcle à être pointés du doigt : les profs de maths. De Cédric Villani, directeur de l'Institut Henri Poincaré, professeur à l'université Lyon-I et médaillé Fields (le Nobel des maths), à Michel Vigier, président de l'Association pour la prévention de l'innumérisme en France, tous s'accordent à dire que c'est la faute de l'école si les petits Français sont nuls en maths. Certains pointent même du doigt le niveau en maths des professeurs des écoles, souvent issus de formations littéraires, et eux-mêmes confrontés à des difficultés avec les nombres et qui ont de fait du mal à transmettre l'amour de la matière. Sans compter que les enseignants changent chaque année : les élèves sont ainsi confrontés à de nouvelles méthodes tous les ans, ce qui représenterait plus une perturbation qu'un enrichissement.
       Et manifestement, en Angleterre, c'est la même analyse qui a été faite : pour pallier le manque de vocations dans la discipline, les autorités du royaume ont décidé de sauter le pas et d'importer 60 professeurs de maths de Shanghai. Pourquoi faire venir des Chinois ? Parce qu'ils excellent dans la matière et règnent sans partage sur le sacro-saint classement Pisa. Selon l'étude de l'OCDE, les enfants issus de familles défavorisées à Shanghai ont même une meilleure moyenne en maths que ceux de la classe moyenne anglaise. Leur pédagogie est plébiscitée et recherchée. 

    Les ravages de l'abstraction

       Reste qu'en France faire venir des profs étrangers n'est pas à l'ordre du jour. Alors, pour rectifier le tir, certains cherchent à comprendre là où la France a échoué. Pour Michel Vigier, il n'y a aucun doute : ce sont les erreurs pédagogiques qui ont fait baisser le niveau en maths. Sur la base de l'étude Piaac (le Pisa des adultes), il a calculé que 70 % des 18-65 ans français sont innumérés, c'est-à-dire qu'ils ne maîtrisent pas les notions permettant les calculs de base (la numération, l'addition, la soustraction, la multiplication, la division, ainsi que la proportionnalité, les pourcentages et les fractions simples). Pourtant, selon une étude de Michael Handel, ces notions sont indispensables dans près de 70 % des métiers. "Pour ce qui est des calculs de base, les compétences des Français sont inférieures à celles que requiert leur travail. Ce n'est pourtant pas une fatalité : au Japon ou aux Pays-Bas par exemple, ils n'ont aucun mal à savoir faire ce qu'on leur demande !" 
       Selon Michel Vigier, les impairs d'enseignement qui nous ont menés à la catastrophe sont clairement identifiables. À commencer par la suppression de la "règle de trois" à la fin des années 1970, et son remplacement tardif (en quatrième) par le produit en croix : "l'abstraction s'est substituée à la notion verbale", déplore-t-il. Et de rappeler l'ancienne méthode qui consistait à formaliser l'énoncé et qui aurait dû permettre à Luc Chatel, alors ministre de l'Éducation nationale, de ne pas sécher sur une question de CM2 posée par Jean-Jacques Bourdin sur RMC : "Si 10 objets identiques coûtent 22 euros, alors 1 livre coûte 2,20 euros et 15 livres coûtent 15 fois plus." 
    Autres récriminations de Vigier, l'introduction du "numérotage-comptage" en maternelle, qui a contribué à effacer la représentation physique des quantités au profit d'un simple nombre : "C'est la différence entre la perception de la quantité de chocolats présente dans une assiette et un numéro de rue. On ne peut pas se passer de boulier, car il permet de reconstruire l'image d'un nombre." L'ancien ingénieur déplore également l'apprentissage "par cœur" des tables de multiplication et l'approche abstraite de la discipline. 

    L'innumérisme n'est pas irréversible

       En France, le problème de l'illettrisme est pris très au sérieux, alors même qu'il faut une action concrète menée sur dix ou quinze ans pour y remédier. Pour l'innumérisme, c'est autre chose : "La situation est catastrophique, alors même qu'il suffirait de 10 à 40 heures de formation pour remettre quelqu'un en selle sur ces fondamentaux. L'innumérisme n'est pas irréversible, et l'impact au niveau économique peut être considérable !" note Michel Vigier. Et de citer l'exemple de cet employé municipal licencié pour ne pas avoir su compter le nombre des camions nécessaires au déblayage de gravats. 
       C'est d'ailleurs un calcul économique simple qui a incité l'Angleterre à tout miser sur l'étranger et à se mettre au diapason chinois : le pays estime que l'innumérisme lui coûte 20 milliards de livres (24 milliards d'euros, soit 1,3 % de son PIB) chaque année. Nul besoin d'être fort en maths pour comprendre que l'enjeu est de taille.

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    Xavier Darcos et la règle de trois... >>>

     


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  • http://smf4.emath.fr/en/Enseignement/CommissionKahane/

    Commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques

    A la demande des associations de mathématiciens (APMEP, SMAI, SMF et UPS), le ministère a donné mission en avril 1999 au professeur Jean-Pierre Kahane de réunir un groupe d'enseignants et de chercheurs pour conduire, en amont du Conseil national des programmes et du groupe d'experts chargés d'élaborer les programmes de mathématiques de l'enseignement secondaire, une réflexion globale et à long terme sur l'enseignement des mathématiques de l'école élémentaire à l'université.

     Lettre envoyée au Ministre pour le renouvellement de la commission (08 janvier 2003)

     Composition (octobre 2002) et lettre de mission du Ministre (8 avril 1999)

    Communiqués :

      Numéro 16 (28 juin 2003)
        (fichier pdf 8 ko)

      Numéro 15 (15 mars 2003)
        (fichier pdf 32 ko)

      Numéro 14 (15 décembre 2002)
        (fichier pdf 80 ko)

      Numéro 13 (15 septembre 2002)

      Numéro 12 (1er juillet 2002)
         (fichier pdf 32ko)

      Numéro 11 (26 avril 2002)

      Numéro 10 (15 décembre 2001)
         (fichier pdf 32ko)

      Numéro 9 (10 mars 2001)
         (fichier pdf 50ko)

      Numéro 8 (17 déc 2000)

      Numéro 7 (29 nov 2000)

      Numéro 6 (13 mai 2000)

      Numéro 5 (11 mars 2000)

      Numéro 4 (27 nov 1999)

      Numéro 3 (11 sep 1999)

      Numéro 2 (27 juin 1999)

      Numéro 1 (14 juin 1999)

    Rapports d'étape :

      Présentation des rapports de la commission (mars 2001) (fichier pdf 45ko)

      La géométrie et son enseignement (jan 2000)

      Informatique et enseignement des mathématiques (déc 2000)   Calcul (mars 2001)

      Annexe au rapport calcul (février 2002)

      Statistique et Probabilités (avril 2001)

     Statistique, rapport adopté le 15 mars 2003

     

      Formation des maîtres et recommandations associées (mars 2003)

    Les rapports d'étape de la commission ont été publiés en mars 2002 aux éditions Odiles Jacob :

    Enseignement des sciences mathématiques : Commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques : Rapport au ministre de l'éducation nationale / sous la direction de Jean-Pierre Kahane ; O.Jacob/Centre National de Documentation Pédagogique, Paris 2002 ; 284 p.; 19 cm ; ISBN: 2-7381-1138-6 2-240-008326


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  • LE MONDE | 04.02.2014 à 11h13 • Mis à jour le 04.02.2014 à 12h31 |Propos recueillis par Emma Paoli

    Elèves en classe dans une école primaire de Mailley, en Haute-Saône.

    Peut-on vraiment redonner le goût des mathématiques aux élèves alors qu'on en a fait une discipline de sélection ?

    On le peut en transmettant cette matière de façon plus active, dynamique. Dans les cours de maths, on met beaucoup l'accent sur la phase finale d'une opération, et pas assez sur la recherche en amont. Et pour inscrire cette discipline dans le réel, il faudrait ouvrir dans les écoles des laboratoires de mathématiques pourpermettre aux élèves de faire des travaux pratiques de longue haleine.

    C'est ce que j'avais préconisé en 2002 dans mon rapport sur l'enseignement des sciences mathématiques et ce que font certains établissements. Dans un lycée de Montpellier, j'ai vu un vrai laboratoire qui fonctionnait à merveille, permettant une approche pluridisciplinaire du programme sur la vision. En biologie, on y apprenait l'anatomie de l'oeil. En physique, les lois de l'optique. Et en maths, la perspective. C'est quand même une façon plus humaine d'aborder les mathématiques ! Les élèves manipulent des objets, cherchent des réponses, se trompent, se corrigent…

    Préconisez-vous d'autres portes d'entrée dans la discipline ?

    Oui, on peut également prendre l'exemple de la Chine où les manuels abordent les mathématiques par le biais de questions pratiques. Il s'agit évidemment de prétextes pour stimuler la machine mentale. A l'inverse, les exercices de maths se présentent généralement en France sous la forme d'algorithmes. C'est donc aux enseignants de les illustrer par des histoires, des commentaires ou des exemples qui s'adressent au plus grand nombre. Or, certains professeurs des écoles se contentent de léguer des recettes, autrement dit des opérations toutes faites. Cela montre que ces derniers ne sont pas suffisamment formés à l'histoire des sciences pour raconter cette discipline, en faire un objet vivant.

    Qu'entendez-vous par l'histoire des sciences ?

    J'entends par là des formations qui accordent de l'intérêt aux contextes historiques dans lesquels se développent les concepts mathématiques. Prenons l'exemple des nombres premiers. Quand sont-ils apparus ? Quel usage en faisaient les Babyloniens ? De même pour la table de multiplication. Comment se pratiquait-elle dans la Rome antique et en Mésopotamie ? Autant de questions passionnantes qui forment l'esprit et peuvent donner le goût de la discipline. Les professeurs doivent prendre conscience qu'ils ne sont pas seulement porteurs de techniques, mais de fragments de l'histoire.

    Pour mieux maîtriser les mathématiques ?

    Le terme « maîtriser » dans les programmes scolaires m'a toujours irrité. On ne maîtrise jamais rien en matière intellectuelle. Ce n'est pas comme le vélo, où la technique s'acquiert d'un coup. D'où l'intérêt de mettre en place des formations continues pour les professeurs. Ces derniers pourront ainsi penser leur métier tout au long de leur vie. Cela aurait forcément des répercussions positives sur leur manière d'enseigner.

    Aide-t-on trop peu les enseignants ?

    Ce qui est certain, c'est que les professeurs ne sont pas les seuls responsables de la baisse de niveau des élèves français en maths. Les parents et les enfants y contribuent également, notamment par une absence d'adhésion aux valeurs de l'école. Le drame c'est que dans l'esprit des petits Français, le travail n'est plus qu'un gagne-pain et l'école, un moyen de l'obtenir. Etre premier de la classe n'est plus valorisé. Certains le cachent, même. Dans un climat pareil, il est difficile defaire des progrès scolaires.

    Vous épargnez dans votre critique les programmes et leur lourdeur ?

    Reprocher aux programmes leur lourdeur ne règle rien. Plutôt que les alléger avec cohérence, on les ampute de manière complètement arbitraire jusqu'à les rendre presque incohérents. Ce qui ajoute une difficulté supplémentaire aux professeurs. Et puis les maths, c'est un système coordonné de connaissances. C'est comme un échafaudage. Vous enlevez un bout de la charpente et le tout s'effondre !


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